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Elise, escort indépendante: «Je ne suis ni objetisée ni soumise!»

Le Temps, 8 octobre 2021

Opinion. Qu’est-ce qu’une représentation convenante de la sexualité? écrit Elise, escort indépendante à Genève. La sexualité, par essence, n’est pas quelque chose de conventionnel
 

Elise, une escort genevoise, voulait faire de la publicité, avec sa plateforme publicitaire Bemygirl. Ses affiches ont été refusées par le parking du Mont-Blanc à Genève, qui avait pourtant accepté la campagne. Elise les a alors fixées sur une voiture en ville, où elles ont été saccagées. Et l’association DécadréE a déposé un signalement à la Commission suisse pour la loyauté. «Le Temps» a réuni les deux points de vue


Opinion Elise, escort indépendante à Genève

 

Bonjour, je m’appelle Élise et je suis escort indépendante à Genève.

J’exerce ce métier légalement en entreprise individuelle depuis 5 ans. Je suis déclarée, je paye donc mes impôts, je cotise à l’AVS ainsi que pour mon 3ème pilier. Je tiens à dire que je suis une femme épanouie. Ma vie de famille est stable et je construis une magnifique relation avec mon compagnon depuis dix ans. Mes parents et mes sœurs sont au courant de mon activité, ils la respectent et ils me soutiennent inconditionnellement. Il en est de même pour mes clients qui ont toujours fait preuve de respect, que ce soit physiquement ou verbalement.

Entrepreneuse, j’ai voulu me promouvoir au printemps 2021 et je me suis tournée vers le site BemyGirl.ch. Nous avons imaginé et créé cette campagne publicitaire dans le plus grand respect de ma personne avec ma validation à chaque étape. C’est d’ailleurs dans ma ferme familiale que la vidéo interactive et les affiches d’« Élise à la ferme » ont été réalisées. Il faut savoir que j’ai grandi à la campagne entourée d’animaux, autant dire que j’étais dans mon élément à 100%. Cette publicité est donc à mon image : naturelle, drôle et décalée. Ma famille et moi-même en sommes très fiers !

Je considère que mon métier est aussi respectable qu’un autre et qu’il ne devrait pas faire l’objet de discrimination ou de tabou. En tant qu’escort, je ne suis pas seulement une professionnelle du sexe, j’endosse souvent le rôle de psychologue, de sexologue ou de coach (passionnée de sports outdoor, j’aime partager mes expériences). Je reçois de nombreux clients stressés, déprimés, ou avec une faible estime d’eux-mêmes. Quand ils repartent le sourire aux lèvres, confiants et détendus, j’éprouve une grande satisfaction.

J’ai été très surprise qu’une association féministe dépose une plainte. En tant que suissesse, je suis libre de mes choix et responsable de mon corps. Je me considère aussi comme féministe dans le sens où je prône la défense de nos droits et de nos libertés. Je revendique une sexualité décomplexée et un désir égal à celui des hommes.

L’intégralité des affiches ne comporte aucune nudité, ce qui respecte tout type de public. Malgré cela, l’association me reproche « un top très décolleté ». Il m’est également reproché une posture qui « renforce un sentiment d’objetisation » et une « attitude de soumission ». Je peux vous assurer que je ne me suis sentie ni objetisée, ni soumise.

L'association poursuit en disant que mes affiches susciteraient « une représentation inconvenante de la sexualité ». Je me pose donc la question : « Qu’est-ce qu’une représentation convenante de la sexualité ? » Dans mon métier, je vois à quel point les fantasmes liés au sexe peuvent prendre des formes différentes et représentent une grande diversité. La sexualité, par essence, ce n’est pas quelque chose de conventionnel, bien au contraire. Cela concerne tout le monde il me semble, les hétérosexuels comme la communauté LGBT.

Chacun a le droit de vivre son rapport à la sexualité comme il l’entend, dans le respect de sa personne et de son/ses partenaires. Si j’ai la chance d’exercer mon métier par passion, ce n’est hélas pas le cas de toutes mes consœurs. Elles sont encore trop nombreuses à être manipulées et instrumentalisées par un maquereau ou une maquerelle. Ce sont elles qui ont besoin d’être défendues par des associations. A mon avis, c’est un combat bien plus urgent à mener que celui de mon décolleté.

Je regrette sincèrement que l’association DécadréE n’aie pas pris le temps de me contacter ni d’ouvrir le débat avant de déposer plainte. Elle aurait peut-être compris qu’il s’agissait d’une démarche volontaire dans laquelle je suis absolument consciente et à l’aise.

Ce sera avec plaisir que je rencontrerai ses membres afin d’échanger, partager nos points de vue, si elles le souhaitent bien entendu. Je suis pour le respect et la tolérance et ce, par l’ouverture et le dialogue.
 

Élise

 

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